Un très grand nombre d'artisans vivent dans l'ensemble urbain Rabat-Salé. On y compte plus de 6000 métiers à tisser !
Les corporations nées à l'époque médiévale ont disparu petit à petit, pour diverses raisons socio-politiques. Sous le Protectorat, sont nés des centres d'études de l'artisanat et des coopératives. Depuis l'indépendance, l'État s'est penché sur ce problème touchant à la culture populaire et à l'emploi ; le Ministère de l'Artisanat et des Affaires Sociales a été créé pour encourager et développer la production artisanale et assurer la préservation de vieux métiers.
L'artisanat exige des compétences techniques et artistiques transmises au fil des générations, des outils et un marché. Les anciennes corporations avaient le souci de la formation et des débouchés commerciaux. Mais l'apparition des produits industrialisés, leurs prix souvent très bas, menacent toujours ces produits faits à la main...
Le Ministère a créé des coopératives sur l'ensemble du territoire. Il y en a environ 180 qui comptent près de 10000 adhérents. Ce sont des centres de formation et de production. Us locaux ont été construits par l'État. Dans certaines, les commandes sont reçues, étudiées, centralisées, exécutées, exportées, selon des prix établis et avec des labels de garantie. Les artisans peuvent y consulter des archives, poser des questions, recevoir des conseils. Les apprentis sont formés selon les méthodes traditionnelles.
Mais si l'on veut découvrir les souks, se perdre dans les médinas, voir les vestiges des quartiers où vivaient les corporations, temples de l'ingéniosité humaine, lieux d'échanges, points de rencontres des hommes et des civilisations, si l'on veut capter les dernières lueurs de ce monde presque féérique, il faut ignorer les coopératives et aller trouver l'artisan dans son échoppe. De chez lui, même si on lui dit simplement bonjour, on ne rapportera pas seulement un objet en laine ou en cuir mais le souvenir d'un vrai contact humain, du regard fier et accueillant et du sourire de l'artisan (qui n'est pas celui du marchand) que les vrais amateurs des souks savent rencontrer et mériter.
L'un des lieux privilégiés est la rue des Consuls, ainsi appelée parce que jusqu'en 1912 (date de la conquête du Maroc par la France), elle était le lieu de résidence des représentants des puissances étrangères.
Si étroite qu'une seule voiture peut à peine y passer, cette rue est bordée de toutes sortes de boutiques, d'ateliers et d'échoppes. Il faut absolument aller dans les « rues » perpendiculaires, passages très étroits qui s'ouvrent souvent sur des « places » spécialisées dans le cuir, la ferronnerie, etc., véritables marchés dans le marché. Dans ces îlots cachés, les artisans travaillent selon les méthodes traditionnelles et connaissent parfaitement leur technique. On oublie le bruit, les voitures pour retrouver un monde à taille humaine où le commerce n'est pas fait par des télex et des télégrammes, mais de regards, de paroles, de mains serrées et de complicités. Duis te feugifacilisi.
Rabat a toujours été la capitale du tapis au Maroc. Le tapis de Rabat (fabriqué également à Salé et dans d'autres centres) s'est fait une réputation égale à celle des tapis d'Orient, et la bourgeoisie marocaine, même lorsqu'elle se détourne des autres objets artisanaux, reste attachée aux tapis.
Il y a environ six mille métiers à tisser en activité dans la région, dans les coopératives artisanales, ou chez les particuliers. Le tapis de Rabat est fait par les femmes, au point noué, sur des métiers de haute lisse.
Pour un grand tapis, deux ou trois ouvrières peuvent travailler un même métier. Elles ont devant elles un modèle sur papier quadrillé. Parfois, elles connaissent les motifs par cœur.
Les laines viennent du Maroc, de la France et d'Australie. Dans les coopératives, on utilise un mélange des trois. On travaille avec des brins de deux ou trois fils retordus selon l'épaisseur souhaitée.
La coopérative classe les tapis en quatre qualités, appréciées en fonction de la solidité du tapis et du respect des modèles traditionnels. Plus le point est serré, plus le tapis est résistant, beau et cher. On distingue les qualités -
* extra-supérieure : 40/40 ou 160 000 points noués au mètre carré.
* supérieure : 30/30 ou 90 000 points noués au mètre carré.
* moyenne : 25/25 ou 62 000 points noués au mètre carré.
* courante : 20/20 ou 40 000 points noués au mètre carré.
Les laines brutes sont teintes avec des colorants chimiques, ou achetées déjà teintes. les laines non teintes ont un ton blanc chaud ou crème très attrayant.
Les tapis de Rabat sont de dimension moyenne. Mais on en fabrique également de grandes dimensions jusqu'à dix mètres de long sur sept ou huit de large). Ce sont alors des pièces rares, impressionnantes, véritables parterres colorés et fleuris, féériques jardins de laine.
Ces tapis ont peut-être une lointaine origine orientale, comme le prouverait une légende qui raconte qu'un jour une cigogne a laissé tomber dans un patio de Rabat un fragment de tapis d'Orient qui a servi de modèle initial. Mais ils ont, dans leur diversité, un style unique et une esthétique spécifique dans la tradition hispano-mauresque que les amateurs reconnaissent immédiatement.
Ils sont de dominante rouge (à base de cochenille ou de garance). De nos jours, on utilise des rouges vifs chimiques.
Ils se distinguent des tapis d'Orient par leurs larges surfaces unies parsemées de motifs. Ils n'ont pas le rythme continu, le miroitement, le changement incessant des tapis persans ou des kilims turcs. Au contraire, l'ensemble donne une impression de grande tranquillité.
Leur décoration se compose essentiellement d'un motif floral stylisé dans un grand losange central. Les nouveaux modèles sont parfois parsemés de petites fleurs ou de petits animaux colorés.
Le tapis est toujours encadré de deux ou trois cadres, bandes dans lesquelles se répètent des motifs apparentés mais pas toujours similaires à ceux du centre. Pour qu'un tapis soit agréable à l'œil, il faut que ses couleurs, quelle que soit leur variété, s'intègrent agréablement.
Ce sont les hommes qui pratiquent le tissage, sur des métiers de basse lisse. On peut les rencontrer dans l'un des petits ateliers de la rue des Consuls et les voir au travail (ils travaillent rarement à la maison).
Ils tissent des étoffes pour burnous et autres habits, rideaux, couvre-lits, tissus d'ameublement, coussins carrés et couvertures.
Ils utilisent la laine de mouton naturelle (blanche, brune, grise, noire) ou teinte, le poil de chèvre, le poil de chameau.
On trouve à Rabat des couvertures en poil de chameau beige (ou en laine blanche torsadée épaisse) avec une chaîne et une trame de même fil et de même épaisseur, ce qui donne au point toilé une texture très régulière en tamis.
Pour les tissages ordinaires, les fils de trame sont en laine fine et la chaîne est en coton. Ces fils sont doux ou rêches selon que la laine est cardée ou peignée. On trouve des tissus unis ou bayadère.
Les médinas de Rabat et de Salé offrent toutes sortes d'habits pour adultes et pour enfants coupés dans ces tissages . burnous non traditionnels avec bandes de couleur d'un seul côté, jupes de femmes, burnous d'enfants, vestes en grosse laine brute, caftans, etc. On y vend également des cotonnades blanches qui peuvent servir de couvre-lits ou à la confection de djellabas, caftans d'été, etc. Toute une gamme de caftans en tissus légers, suivant des modèles anciens, simplifiés, est proposée à la clientèle touristique. Les Marocains les trouvent seyants et moins chers que les lourds caftans à l'ancienne et ils commencent à les porter.
Certains tissus sont imprimés à la main par les rares artistes- peintres qui se sont spécialisés dans la peinture sur étoffe. Ils les exposent dans leurs ateliers.
Il faudrait mentionner, pour terminer, le tricot à la main, vendu dans quelques boutiques, aux portes desquelles on accroche toutes sortes de jaquettes, vestes et manteaux de laine tricotée.
La broderie est réservée aux femmes qui travaillent sur les tissus traditionnels de coton, de lin, de soie ou d'étamine de laine, mais aussi sur de la popeline et même sur du nylon. Elles travaillent par petits groupes de femmes et filles d'artisans ou de petits commerçants souvent apparentés. Elles immobilisent la partie qu'elles sont en train de broder dans des cadres en bois vissés.
Il n'y a plus comme dans le passé une spécificité des motifs par région. Les brodeuses recopient souvent des motifs de catalogue ou d'origine étrangère.
Mais il y a toujours la broderie dite « de Rabat », aux motifs floraux multicolores remplis au point plat. Aujourd'hui, on trouve des motifs d'animaux et même de personnages.
A Salé, avec la broderie « de Rabat », on travaille toujours la somptueuse broderie « de Salé » au point de croix, serré, couvrant de très grandes surfaces.
Les brodeuses exécutent au point de croix toutes sortes de nappes, napperons, services de table, oreillers, couvre-lits, draps, chemises, robes de mariées, robes de caftans... avec des motifs géométriques d'inspiration berbère, ou copiés de modèles étrangers, proches du travail traditionnel.
Beaucoup vont à l'école de couture de Rabat apprendre la broderie à la machine. Le résultat est beaucoup moins raffiné, mais fait apparaître de nouveaux motifs -. des bouquets, des oiseaux, des papillons... Les coopératives de Rabat et de Salé encouragent les jeunes filles à apprendre ce métier pour leur permettre de rester chez elles tout en gagnant un peu d'argent.
Dans les sociétés traditionnelles, l'artisanat est une façon de tirer parti au mieux et avec le plus d'imagination possible, des produits naturels, animaux ou végétaux, disponibles.
Le mouton, par exemple. On en conservait la viande, cuite, dans un mélange de sel et d'épices, dans de grandes jarres de terre cuite. Elle se conservait ainsi toute une année. Les cornes servaient de matériau pour la parure et la bijouterie. La laine servait à rembourrer les matelas, à faire tissus et tapis. On se servait du cuir enfin pour les vêtements, les chaussures, les poufs et les coussins, les sacs et pour transporter certaines marchandises, mais aussi dans la décoration des murs, des portes, etc.
-Objets divers
Très nombreux et variés, ils sont appréciés pour la souplesse de leur cuir, la perfection de leurs formes et de leurs dorures.
Les sous-mains, buvards, porte-documents, classeurs, boites à messages, bdites à crayon... sont à Rabat fabriqués en cuir de chèvre alors qu'à Fès on utilise plutôt le mouton, plus fin.
Pour les boites et autres objets recouverts, le cuir refendu est collé sur un support. '
Certains objets, comme les portefeuilles, sont parfois simplement décorés de lignes tracées sur le cuir à l'aide d'une règle et d'un traçoir en os ou en bois, sans encre, par simple pression. Cette façon de souligner les bords d'un objet en cuir, lui confère une élégance discrète.
Pour dorer le cuir, les artisans disposent de minces feuilles d'or de 22 carats, de minces bandes de gélatine ou encore de lamelles de mica sur lesquelles se trouve une très mince couche d'or de 22 carats. M possèdent une collection de fers (fleurons, filets, roulettes et plaques) à dorer. La feuille d'or est posée sur le cuir, puis pressée contre le cuir avec le fer légèrement chauffé. Le motif gravé sur le fer est ainsi appliqué sur le cuir auquel il adhère instantanément.
Les roulettes à dorer sont de petits cylindres en bronze, gravés eux aussi en relief qui permettent d'obtenir des dessins continus, liserés ou bandes dorées qui encadrent les liseuses, reliures d'art, chemises, etc.
Les artisans des coopératives « inventent » de nouveaux objets recouverts de cuir : étagères, livres-boites, et même des poteries ou des assiettes sont ainsi habillés de cuir. Toutes ces réalisations s'éloignent de l'artisanat marocain traditionnel, de son goût sûr et éprouvé. Utiliser une matière aussi belle et noble que le cuir sur de la poterie est un mariage curieux... On rencontre d'autres innovations qui sont à notre avis des erreurs comme ces deux coussins cousus ensemble pour former une chaise. Inventer est la vraie vocation de l'artisanat, mais il faut savoir le faire en restant fidèle au matériau et à la vraie tradition.
Nous parlerons ici de la bijouterie en or que l'on trouve à la Médina ou chez les joailliers de l'avenue Mohammed-V et qui est fabriquée à Rabat même.
Sans doute à cause du prix actuel de l'or, on ne trouve pas à Rabat ces magasins rutilants que l'on découvre encore dans les grandes villes de l'Orient.
Citons parmi ces bijoux (en or de 18 carats), les petits « Corans », boites ajourées dans lesquelles les femmes musulmanes mettent souvent des versets du Coran, les mains de Fatima de toutes dimensions, des bagues, quelques colliers... et, très typiques du Maroc (parfois fort somptueuses), les fameuses ceintures de mariées dont les boucles font l'objet de recherches que la majesté du métal rend toujours très belles. Les plus lourdes (et les plus chères) sont en or incrustées de pierres taillées dans des déchets d'émeraude. On peut déplorer aujourd'hui sur certaines ceintures l'incrustation de faux jades ou de pierres synthétiques et aveugles qui défigurent l'or sur lequel elles sont serties.
La vannerie, artisanat moins « noble » que le tissage ou la poterie, est une des occupations les plus répandues dans l'ensemble du Maroc. C'est un monde (car c'est un véritable monde) particulièrement attachant - les matériaux sont utilisés à l'état naturel, les outils sont rudimentaires, et pourtant les vanniers doivent faire preuve d'ingéniosité et de créativité. Au Maroc, c'est un artisanat qui participe peu du rituel ou de l'identification tribale. Il est essentiellement utilitaire.
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